Il chercha d'abord celui qui lui succéderait au Commerce, ce fameux Cameron Roberts dont tout le monde parlait tant dans son Secrétariat. Il l'aperçut près de son ancien emplacement et se précipita vers lui.
Aah, vous voilà donc, M. Roberts ! Bienvenue à Saint-Paul !
Il présumait en effet que Cameron Roberts, étant à moitié burghavinois, venait probablement tout juste d'arriver sur le territoire. Il prit un petit moment de silence pour l'analyser et déterminer si celui-ci était digne d'être son successeur. Il avait l'air aussi vieux que lui, le même regard vif, mais un air plus efféminé - pas de moustache et les cheveux probablement lissés au fer pour être aussi soyeux - mais il mettait ça sur le fait de ses origines saphyriennes.
Alors, euh.. Guten...Tag ? C'est bien comme ça qu'on dit dans votre langue, non ?
Norbert n'avait jamais vraiment réussi à distinguer les cultures phoéciennes les une des autres.
J'ai appris d'ailleurs pour votre pays... Il est dommage que vous ayez fait le choix de retourner à la monarchie, mais bon, c'est votre droit, on voit plein d'autres petits pays faire de même... Tous n'ont pas la chance d'être une aussi grande et solide république que nous ! Enfin bon, vous n'avez vraiment pas à vous inquiéter. J'ai entendu parler de votre roi, enfin empereur, enfin vous voyez là, comment s'appelle-t-il... Victor ? Ca doit être ça. Ca m'a l'air d'être un chic souverain, un pieux constantin, alors je suis sûr que ça ira bien pour vous. Mais j'espère quand même que vous n'oublierez pas où va votre loyauté, vous savez. Avoir deux pays, c'est bien, mais avoir la Fédération-Unie comme pays, c'est mieux.
Sa moustache frémissait de désapprobation.
De toute manière vous êtes mieux ici, pardonnez-moi mais le Burghaven, et ses politiques socialistes... Comme si le socialisme était ancré dans la culture saphyrienne. Rassurez-moi, vous n'êtes pas socialiste vous-même ? Enfin, vous nous sauverez peut-être un ou deux accords commerciaux. De toute manière, à part le thé et les rondins de bois, un bon saphyrien n'a pas besoin de grand chose pour vivre ! Et comme je le dis toujours...
Il s'interrompit en voyant que Meghan McCarthy, la fille du Président McCarthy et l'objet de sa fascination du moment, était présente un peu plus loin. Il fit une petite tape sur l'épaule de son successeur, puis se dirigea plus en bas de la tribune. Il fit un signe de la main à la fille de l'ancien Président, puis commença à bousculer tous les invités sur son passage pour accéder à la précieuse jeune femme.
Mademoiselle McCarthy, c'est un immense plaisir de vous retrouver ! Et un soulagement aussi, je dois dire que je n'avais pas vu autant de socialistes que depuis la dernière fois que je suis allé à un séminaire universitaire... C'est terrible de voir cette administration basculer à ce point dans le rouge ! Enfin, dans le bleu, mais le rouge socialiste, pas conservateur - m'enfin vous m'avez compris. Oh, milles pardons, j'ai oublié que vous avez été nommé... Secrétaire d'État, c'est bien ça ?
En réalité, Norbert savait très bien à quel Secrétariat elle avait été nommée. Il n'avait manqué aucun article de presse ni aucun portrait journalistique sur la nominée. Sa seule déception était qu'il n'ait pas pu siéger à une réunion du Cabinet avec elle.
Mais c'est normal. Votre prédécesseur, Paul Marshall, était aussi un indépendant. Il en faut, des gens comme vous, pour bousculer les choses, éviter aux extrémistes de prendre le contrôle de notre monnaie et de nos affaires étrangères... Et puis vous êtes un bon choix, une femme en plus ! La seule chose qu'il y a à craindre, c'est que vous voliez la vedette à la vieille Howard, avec un si joli minois !!
Rires gras et dégoûtants étouffés par une moustache.
Il se tourna ensuite vers le compagnon abasourdi de Meghan - dont il présuma, vu son physique et sa posture lui rappelant une théière, qu'il s'agissait de son bff gay comme disaient les jeunes.
Oh, bien ! Je vois que vous avez ramené votre meilleur ami homosexuel ! On m'a dit que c'est ce que font beaucoup de jeunes filles de nos jours. Vous savez, j'ai beaucoup évolué sur ces gens-là depuis que Bethany m'a emmené voir cette comédie musicale. Je comprends et j'accepte votre choix de vie, Monsieur, sachez-le !
Il lui adressa un sourire en lui serrant la main délicatement pour ne pas abîmer ce qu'il présumait être une main manucurée d'homosexuels.
Ma chère Meghan, sachez que ce fut un plaisir d'avoir pu vous parler. Vous savez, je connais bien votre père, c'est un bon ami, alors j'avoue que j'ai été déçu que nous n'ayons pas encore été présenté... Et pourtant je vous suis sur tous les réseaux sociaux - d'ailleurs, j'ai vu que vous n'aviez pas fait de même, je vous donne mon @ : NorfertbryantSecretary - j'ai fait une faute sur Norbert mais je n'arrive pas à la corriger... N'hésitez pas à reprendre contact, je ne serais sûrement pas loin. D'ailleurs, vous savez, je serai ravi de vous inviter dans mon ranch un jour ! Vous aimez le bull riding ? Je suis sûr que ça vous irait bien ! Vous avez le physique pour dompter ce genre de bestioles !
Il lui fit un clin d'oeil pendant que sa moustache remuait en suivant le sourire en coin qu'il tentait de faire.
Bien, je vous laisse, je vais retourner voir si quelqu'un n'a pas vu le Sénateur Glassberg, je souhaite m'entretenir avec lui de son laxisme sur la crise iyroéo-tawkirinaise. Ne changez pas ma jolie, tout le monde vous aime comme ça !
Il s'éclipsa ensuite, telle une ombre. Une ombre bruyante, qui bouscula encore une fois tous les gueux sur son chemin, semant la terreur dans la tribune officielle, comme d'habitude.