Je me suis abstenu de m'impliquer dans la vie politique ces dernières années, et à raison. Entre le spectacle désolant des dernières primaires progressistes qui a vu des manigances en sous-main et des accords opportuns ruiner la crédibilité du Parti, et l'écrasement navrant de nos élus face aux conservateurs à la Chambre, que ce soit sur la question de la prolifération des armes, de la protection du droit à l'avortement et du droit à l'euthanasie, de la défense du salaire minimum, et j'en passe, il en a fallu de peu que j'en vienne à croire en la mort du Parti Progressiste, rejoignant ainsi les millions de fédérés qui ne se retrouvent plus dans ce qui se trame dans l'establishment progressiste.
Alors que les primaires seront l'occasion de redéfinir le genre de mouvement que nous sommes et le genre d'idéaux que nous prônons, ça me semble être le moment idéal pour m'exprimer sur l'avenir de notre Parti. Nous pouvons définir le cap du progressisme fédéré pour les 4 années à venir, et décider de quel genre de Présidence nous aurons dans l'après-Caldwell.
Il y a des candidatures intéressantes, il y a des réflexions qui sont partagés et qui valent la peine qu'on s'y intéresse. Je n'ai pas l'intention de m'exprimer publiquement - encore - pour un candidat, mais je peux déjà donner mon avis sur l'une des candidatures qui a déjà suscité l'émerveillement de certains de mes anciens collègues, celle de Brooke Simpson.
La candidature Brooke Simpson, c'est la candidature de l'aile droite du PP, celle qui veut le juste milieu avec le camp conservateur. La candidature du parfait équilibre idéologique entre droite et gauche. La candidature de la modération et de la retenue. Ca, je n'oserais pas le nier. J'ai travaillé avec des modérés tout le long de ma carrière, je sais parfaitement en reconnaître une authentique.
La question est : est-ce ce dont la Fédération-Unie a besoin ? Est-ce ce genre de juste milieu entre les progressistes et les conservateurs qui va améliorer le sort des fédérés dans les années à venir ? Est-ce que ce juste milieu est réellement une aspiration transpartisane ?
Les conservateurs ont montré quelque chose, c'est qu'ils n'ont pas peur des grandes idées. Ils n'ont pas peur d'y aller à grand coup d'abrogation sur tous les projets qui visaient à améliorer.
D'un salaire minimum de 8 Thalers horaire qui avait été progressivement augmenté à 11 Thalers, ceux-ci ont tout simplement abrogé le principe même de salaire minimum. Des débats sur la question du financement public fédéral ou pas de l'avortement, ceux-ci appellent ouvertement à revenir sur Doe v. Ross pour interdire l'avortement, qu'ils comparent à un meurtre. De la question des gun-free zones ou de la restriction de la possession d'armes pour les déséquilibrés et les repris de justice, ceux-ci parlent d'un droit constitutionnel qui ne saurait souffrir d'aucune limite.
Et les conservateurs ont aussi montré une chose, c'est qu'ils n'ont pas l'intention de nous demander notre avis pour se lancer dans leurs grands desseins, ni au PP, et encore moins à l'aile droite du PP.
J'aimerai donc savoir quel intérêt il y aurait à une candidature qui arriverait devant le Congrès pour proposer des solutions de consensus avec des conservateurs qui n'ont nullement l'intention de concéder quoi que ce soit à ceux qu'ils traitent en permanence de socialistes et de meurtriers d'enfants. Si à chaque fois que les conservateurs montent au créneau, nous leur concédons la moitié de leurs exigences sans même nous battre et négocions sur le reste, ce sont leurs idées qui gagneront du terrain. Négocier est nécessaire au Congrès, mais il nous faut défendre une position de départ, et sur cette position, entre défendre nos principes et nous aplatir bêtement, il va falloir choisir. Et c'est tout l'enjeu de ces primaires.
Face au droit à l'avortement mis en péril par des conservateurs qui nient sa valeur constitutionnelle en l'assimilant à un crime, il nous faut au contraire monter au créneau comme le fait Mme Ellis, ou même affirmer cette valeur de droit fondamental en proposant un amendement constitutionnel sur l'égalité entre hommes et femmes et les droits fondamentaux qui y sont associés, comme je sais que défend le Speaker Edwards. Et non se contenter d'une bête page Web où on indique les endroits où l'avortement est encore possible pour permettre d'avorter "en restant en conformité avec la législation d'État" (même si ladite législation est inconstitutionnelle).
Face à la criminalisation du droit de disposer de soi et de mourir dans la dignité, il nous faut défendre frontalement ce droit comme l'a fait le Whip Edwards lors des votes, plutôt que de timidement dire "laissons les États choisir de criminaliser ou pas" comme nous l'ont dit l'aile droite du PP.
Face à la précarisation des travailleurs payés aussi faiblement que possible, il faut restaurer un salaire minimum protecteur au-delà de 13 Thalers horaires, plutôt que de proposer, comme l'aile droite du PP aux dernières midterms, de revenir aux 8 Thalers horaires d'il y a 20 ans (qui, après négociations entre l'aile droite du PP et la droite, auraient mené au mieux à 4 Thalers horaires, ce qui est à peine mieux que de l'esclavage).
Face aux offensives électorales de ces dernières années contre les droits LGBTQ notamment au Southymland, où le PC défend un amendement constitutionnel restreignant le mariage, il nous faut reconnaître au niveau fédéral l'égalité en droit entre les couples homos et hétéros en reconnaissant le mariage homosexuel, et criminaliser tous les actes de haine, y compris les thérapies de conversion, pratiques barbares d'un autre temps qui font honte à notre société, et pas seulement pour les mineurs.
Face aux prix toujours plus exorbitants des soins et traitements médicaux, qui coûtent des dizaines de fois plus cher que dans le reste du monde développé, il faut repenser le grand projet du Medicare For All pour que la Fédération-Unie se mette au niveau des autres pays développés sur les indicateurs d'accès au soin et d'espérance de vie (et un projet tellement clivant qu'il recevait le soutien de la majorité populaire dans les urnes il y a 35 ans déjà) ou bien, a minima le plafonnement du prix des médicaments essentiels (recommandés par la communauté internationale), plutôt que de répondre en proposant de négocier avec des compagnies seulement intéressés par leur profit, ou en légalisant le trafic de médicaments transfrontaliers.
Nous sommes la première puissance économique du monde et nous imposerions à nos citoyens aux revenus moyens et bas de négocier avec les plus grandes fortunes pour s'acheter leurs traitements vitaux à un prix décent, ou leur dire d'aller eux-mêmes les importer à l'étranger ? Heureusement que le ridicule ne nous a pas déjà tous tué.
C'est bien beau d'avoir un juste milieu. Mais pour qu'il y ait un milieu, il faut qu'il y ait 2 bords. Il faut quelqu'un pour défendre les idéaux progressistes, parce qu'en face, les conservateurs ne céderont jamais d'un pouce pour défendre les idéaux conservateurs. Ils n'ont rien cédé à l'époque où Howard était Présidente, ils ne céderont pas davantage maintenant que leur camp a choisi l'aile Caldwell pour les représenter.
La candidature Simpson est celle d'un consensus, oui, un consensus sur la régression sociale de la Fédération-Unie souhaitée par les conservateurs. Avec Brooke Simpson, nous négocierons avec les conservateurs pour revenir 20 ans plutôt que 40 ans en arrière. Avec Brooke Simpson, l'héritage de Jenny Howard, la Jenny Howard qui s'était décidée à rejeter sans négocier les rhétoriques conservatrices sur l'avortement "de confort" et l'État-providence "gabégie" et qui avait cherché une synthèse sur la nécessité d'étendre la protection sociale et celle de réinvestir dans les énergies propres, sera, de la même manière, remis sur la table des négociations avec le camp d'Ethan Caldwell, qui se fera une joie de le mettre en pièce.
Si nous ne nous battons pas assez, si nous optons pour cette voie de la renonciation, le Parti Progressiste est voué à définitivement s'effacer face à l'avancée des idées conservatrices.
Si nous nous battons en soutenant une candidature progressiste, au sens originel de ce qu'est le Progrès, nous pourrons rassembler ce camp qui n'a plus cru en ce qu'est devenu le PP aux dernières élections vers la victoire.
Et même si nous ne gagnons pas, au moins, nous demeurerons une opposition inflexible face aux principes que nous incarnons, que défendent nos électeurs et auquel chaque élu progressiste doit rendre hommage. - DLC